mercredi 12 octobre 2016


EQUIPE NATIONALE DU SENEGAL: quel équipementier pour les lions avant la CAN?

Ce texte est à la base écrit par un ami, Bachir Diop, économiste de formation, et éminent intellectuel averti. Avec sa permission, je me suis permis de le modifier, d'y apporter juste un tout petit peu de choses sur la forme et le fond.

LE FOOTBALL SENEGALAIS : UNE MARQUE SUREVALUEE ?

A la lumière de toutes les déclarations de la Fédération Sénégalaise de Football sur son problème d’équipementier, on espère que l’attente en vaudra le coût et la peine.
Selon Me Augustin Senghor, en substance, des offres leur sont parvenues, mais elles ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. Du moins pour une autre lecture, en bon avocat d’affaires, Me Senghor fait dans la spéculation quasi-boursière en patientant un peu pour que la valeur sportive de l’équipe grimpe afin de négocier un juteux contrat.

Cependant est-ce que la fédération connait la valeur marchande dynamique de l’équipe? A t-elle commis des études dans ce sens ?
Les équipementiers qui ont plus de moyens et sont plus organisés font ces évaluations de manière périodique sur les marchés et leur potentialité avant de s’engager pour un contrat sponsoring.
Pour le cas des lions déjà, la CAN pointe à l’horizon et c'est dans un peu plus de trois mois. Et Me Augustin Senghor n'a pas été rassurant dans cette perspective: «Le Sénégal risque d’aller à la Can 2017 au Gabon sans équipementier, si d’ici novembre l’on ne réussit pas à en trouver un nouveau", affirmait-il fin Août dernier.

POURQUOI LES MARQUES PAYENT-ELLES POUR HABILLER UNE EQUIPE SPORTIVE?

C’est une question que beaucoup de personnes se posent assez souvent. En temps normal on ne paye pas quelqu'un pour porter une tenue. Mais si celui qui vous habille espère que d’autres personnes le voient et veuillent porter la même marque, alors il en trouve de l’intérêt.
C’est la même logique avec les journalistes et les animateurs qui sont sponsorisés par des stylistes modélistes afin de rendre visible leurs produits. En sorte c’est un investissement et quand on parle d’investissement on envisage un retour et des bénéfices substantiels.
Les marques mondiales d’équipement confectionnent plusieurs produits qui sont pour la majorité orientés sport. Elles sont obligées d’investir dans des vitrines sportives porteuses pour espérer vendre leurs produits. Si PUMA confectionnait uniquement des tabliers de cuisine on ne verrait jamais une équipe de foot porter cette marque.

ÉVALUATION D'UN MARCHE SPORTIF: ESQUISSE D'UNE APPROCHE TECHNIQUE:

Les firmes d’équipements sportifs utilisent quasiment les mêmes méthodologies d’évaluation du marché que n’importe quelle autre entreprise en y intégrant la spécificité du marché où ils veulent vendre, et des types de produits qu’elles veulent développer. C’est à partir de cela qu’elles estiment leur potentialité probable de vente, le type de produit qui est plus adéquat au marché et les circuits de commercialisation.
Par exemple une étude de marché de NIKE aux USA fera que cette marque investira plus sur le football américain et le basket qu’au SOCCER (le football tel que nous le connaissons). Le potentiel commercial étant plus élevé dans ces segments de marché qu’ailleurs, du fait de la popularité de ces deux sports dans ce pays, comparé au football.

Pour faire ces évaluations, les firmes disposent de plusieurs outils internes et utilisent beaucoup de sources externes.
Les outils internes sont pour la plupart leurs statistiques de ventes antécédentes, le monitoring de la concurrence et l’usage de l’intelligence économique pour anticiper les variations et évolutions du marché.
En termes d’intelligence économique, une firme d’équipementier de football est en mesure d’évaluer aujourd’hui l’impact dans 10 ans de l’implantation d’une académie de football dans un Pays, comme ce fut le cas avec celui des MIMOSAS en Côte d’ivoire. Elles utilisent aussi les sondages et les études de marchés, avant de choisir leur cible.

Parmi les sources externes bien suivi du marché potentiel, il y’a surtout les statistiques très prisées sur la potentialité de prospects que délivrent les audiences TV des rencontres et la fréquentation des Stades. Ces sources sont combinées à d’autres paramètres moins quantitatifs qui permettent d’expliquer les comportements d’achat des clients, leur désir, leur niveau de vie etc.
La potentialité délivrée par ces statistiques représente le niveau de prospect, et il reste à la firme de mesurer le taux de transformation possible de ces potentiels clients en acheteurs. C’est en fonction de tous ces éléments que la stratégie de vente ou Marketing est élaborée et le niveau d’investissement en publicité défini.

En guise d’exemple, l’équipe de France touche actuellement 42,6 millions d’Euro par an pour porter le maillot de la firme à la virgule. Le monitoring basique du marché de l’équipe de France donnera une audience moyenne de 8 à 10 millions de personnes en année sans tournois majeurs et plus de 15 millions de personnes quand il y a un tournoi (coupe du monde, coupe d'Europe différentes catégories etc). Ces chiffres constituent la base du marché que cible la marque en investissant sur l’EDF.
En intégrant plusieurs autres paramètres comme cités plus en haut, elle peut en arriver à un taux de transformation de 40% de clients achetant tous les produits liés à l’investissement consentit (maillots, survêtement, chaussures etc..).
Un taux de conversion de 40% minimum du marché peut apporter un chiffre d’affaires de 120 millions d’Euro à Nike en vendant 30 € à 50 € à l’unité soit un rapport de 1/3 de rendement à l’unité investit en pub.
Les grandes marques ne lésinent pas sur les moyens de publicité quand elles maîtrisent leur marché. Toutefois, tout un dispositif est mis derrière pour mesurer le moindre franc rapporté par une unité dépensée en promotion et sponsoring.

PERSPECTIVES POUR LE SÉNÉGAL:

Pour revenir au cas du Sénégal, on peut s’aventurer à faire une estimation, sur la même base que celle faite avec la France, du fait d’une similitude de comportement et d’habitude humaine pour le football, afin d’avoir une idée de la valeur de l’équipe et comprendre pourquoi les équipementiers ne font pas d’offre élevée actuellement.
Le taux d’audience de l’équipe de France est de 12 millions en moyenne (année de compétition mondovision + années sans compétition) soit un rapport de 18% de la population totale.
Pour le Sénégal, ces 18% seront corrigés et ramenés à la baisse de façon subséquente dans la mesure où sa participation à des compétitions mondovision (CAN + Coupe du MONDE), n’est pas régulière. L’attraction et la promotion qui sont faites aux événements de son équipe sont 10 fois moins importantes que celles de la France. L’impact de ces paramètres peut ramener le taux jusqu’à sa moitié. Ce qui fera une base d’acheteurs potentiels d'1 million de produits dérivés de l’équipementier.

Le taux de conversion ne sera pas le même que celui de la France du fait de plusieurs paramètres incontournables (fraude de contrefaçon abondante, forte concurrence d’autres vitrines du football dont l’offre de spectacle est quasi supérieure à celle de l’équipe du pays, panier de choix très restreint du client du fait du niveau de vie, du pouvoir d'achat, des autres habitudes d’achats, du circuit de publicité peu performant.).
Tous prix égaux par ailleurs, en fonction du coût de revenu des produits, le taux de conversion ne peut être supérieur à 5% soit au maximum 52.000 clients acheteurs.
En vendant en moyenne un produit à 20 € (niveau de vie intégré) à cette base de clients par an, on tournerait autour d'1,039 millions d’euros de chiffre d’affaire pour l’équipementier.
Le rapport de retour à d'investissement du tiers pour la France ne sera pas non plus le même, du fait que plus on produit plus on a des économies d’échelle, et le niveau de rendement est supérieur en volume, mais inférieur en taux. Un rapport de ¼ du rendement peut être appliqué pour l’investissement de l’équipementier, ce qui fera 259.000 €/an de sponsoring dans ce sens.

Ces hypothèses peuvent être confirmées facilement par un petit sondage d’opinion de la part de la fédération dirigée par Me Augustin Senghor, par la mise en place d’une cellule prospective économique pour anticiper et mettre à jour ses données (comme le fait la France afin d’anticiper les négociations 2 ans avant; et ce fut le cas quand la France était sous contrat avec Adidas). Il doit en être ainsi, pour avoir de vraies bases de données et de négociation, et ne pas avoir une asymétrie d’information vis-à-vis du partenaire.
Par ailleurs, en tant qu’observateur, on ne sent pas une réelle organisation de la Fédération Sénégalaise de Football à l’image de ce qui se fait dans beaucoup de pays. Voici en exemple l’organigramme de la fédération Française de football: www.fff.fr/…/150911170604_09_-_organigramme_fff_-_sept_2015….

UNE TRÈS BONNE CELLULE DE COMMUNICATION COMME SOLUTION A COURT TERME:

Le football n’est plus seulement un loisir. Il est devenu une économie, une véritable industrie qui fonctionne comme une entreprise, il a des produits, les vend et investit pour la croissance et la qualité de ses produits.
Malgré des qualifications (parcimonieuses et sporadiques) dans les différentes catégories en compétitions africaines, le Sénégal est toujours un nain footballistique en Afrique, car il est un des rares "ténors" à n'avoir jamais remporté de CAN (la Tunisie et la Zambie sont enfin sorties de ce lot en (2004 et en (2012 respectivement). Une anomalie de l'histoire à corriger très bientôt peut-être avec Aliou Cissé, pourquoi pas, si on fait référence à son bilan actuel très flatteur, l'équipe étant actuellement stable et sur la bonne voie.

Mais il faut dire que la Fédération Sénégalaise de Football malgré cette embellie actuelle (on touche du bois) est très loin d’une bonne politique de promotion de ses produits, car on constate que même les outils les plus basiques sont négligés: pas de mise à jour régulière de son site internet, juste une chaîne YouTube plus ou moins dynamique mais aux contenus quasi similaires depuis des années, un compte tweeter qui publie par parcimonie, une anarchie de pages Facebook avec moins de 1000 abonnés là ou celui de la Côte d’ivoire par exemple en fait plus de 30.000 est publie régulièrement….) sans compter la gestion des événements de son ou de ses produits phares qui sont trop peu exposés avant, pendant et après.

Il y’a des fonctions qui sont essentielles dans une organisation, même du football: la fonction finance et la fonction commerciale, qui doivent être aussi fortes que la fonction production. ces fonctions doivent être soutenues par une fonction de contrôle et de système d’information et de communication solides. A défaut de cela, on produira la plupart du temps à perte, et on ne maîtrisera pas non plus le développement de ce football sénégalais.

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