jeudi 28 novembre 2019

APPRENDRE LE CORAN SANS VIOLENCE

Il y a deux mois j'avais fait un article où j'évoquais la question de la mendicité à Dakar et au Sénégal dans le sens large. Autant cette pratique de la mendicité des talibés frise la traite déguisée d’êtres humains, autant la question de l’apprentissage du Coran dans les Daaras a besoin d’être reconsidérée, pour une formalisation de ce mode d’enseignement.

LES DIFFÉRENCES CULTURELLES :  

Dans tous les pays du monde, l'Islam est unique. Les fondements de l'Islam sont universellement les mêmes partout. Cependant, il y a certaines identités culturelles qui font qu'il a des pratiques qu'on retrouve dans certains pays, et pas dans d’autres. Serrer la main à son ou ses voisins immédiats après la prière du vendredi par exemple, est une pratique très fréquente chez nous au Sénégal. J'ai eu la chance de faire la prière du vendredi à Séoul, à Hyderabad, à Genève et à Beijing. Mais dans aucune de ces mosquées je n'ai vu ces pratiques telles que nous le faisons au Sénégal.

Cela étant dit, il est important de relever qu’il se fait un amalgame énorme qu'il faut souligner de prime abord: l'usage de la violence (physique ou morale) telle qu’on veut nous la présenter ici depuis quelques jours, n'a jamais été une condition dans l'apprentissage du Coran. Certes il y a des cas d'exceptions, où certains peuvent faire des témoignages du genre ils en ont été victimes par le passé mais qu'aujourd'hui ils s'en sortent très bien en mémorisant le Coran. Cependant, au même moment, on peut donner des contre-exemples sur le même cas de figure.

NE PAS SE TROMPER DE FORMES ÉDUCATIVES :

Des avis vont même jusqu’à dire que ces chaines dans les Daaras sont un bouclier contre les chaines de la prison. Or, ils sont nombreux les gens qui ont mémorisé le Coran et qui pullulent dans les prisons pour des crimes et délits de premier degré. Aussi, des gens qui n’ont pas eu la chance d’apprendre le Coran sont là aussi qui sont devenus des musulmans exemplaires, corrects et pratiquants.

Dans les autres pays tels que l’Indonésie ou l’Inde qui sont des pays où on compte des centaines de millions de musulmans, les enfants ont des conditions adéquates où ils apprennent le Coran. Même au Sénégal ils sont nombreux les endroits où les enfants apprennent le Coran du début à la fin sans pour autant qu’on leur fasse violence. Que ce soit à Mariama Niasse, à Porokhane et dans bien d’autres endroits.

L’ETAT, LA SEULE FORCE LÉGITIME EN TANT QUE RÉGULATEUR :

Le problème fondamental est que la force qui devait revenir à l’Etat dans la gestion de ces questions religieuses est devenue une force centrifuge, détenue (ou codétenue) par d’autres entités qui normalement, devaient subir la seule force légale qui est celle de l’Etat du Sénégal. En matière d’Islam dans le monde, le Sénégal a un pourcentage résiduel (moins de 0,7 % des musulmans du monde) et il ne faut pas perdre cela de vue ou trop se surestimer. Ailleurs on apprend le Coran sans chaines, sans violence, sans mendicité.

Allez dans tous les plus grands pays musulmans du monde : en Indonésie, en Inde, au Pakistan, en Arabie Saoudite, en Iran, au Nigéria (exception faite avec la question Boko Haram), au Bangladesh, ou dans des pays à 100% de musulmans (Comores, Îles Maldives, Afghanistan, Somalie), vous verrez que les questions relatives à l’enseignement religieux sont dévolues à une entité : l’Etat.

Il est vrai qu’il y a certaines réalités culturelles. Mais une culture de la violence, sous quelque forme que ce soit, doit être bannie. La seule autorité à laquelle reviennent le pouvoir et la force doit être l’Etat, car il est à équidistance entre toutes les parties prenantes. Si ce contrôle devient faible, la violence généralisée n’épargnera personne, aussi bien les victimes que les auteurs. Or l’anarchie n’a jamais été un système politique exemplaire.

LES SOLUTIONS SONT DANS LA CONCERTATION :       

Maintenant, au-delà des voix qui se lèvent et se radicalisent, au-delà des autres voix qui appellent à l’extrémisme, il faudra y aller avec lucidité, dans une analyse froide, en ne mettant pas en avant la thèse des lobbies pour les uns, et en ne prétextant pas la violence comme seul instrument de coercition pour enseigner le Coran aux enfants. La solution est dans le dialogue et la concertation.

Ceux qui défendent les Daaras peuvent avoir des arguments solides à mettre sur la balance. Car sans apprentissage du Coran notre religion en souffrirait beaucoup. Donc les Daaras sont nécessaires. Il faudra juste essayer de réformer le format actuel, avec une implication accrue de l’Etat qui doit y mettre les moyens financiers, de communication, de concertation et de planification qu’il faut, afin de restructurer l’enseignement coranique au Sénégal.            

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